Questions-réponses sur l’attentat de Nice

"Je comprends les interrogations, les colères des proches des victimes » mais les propos de « certains politiques irresponsables [qui] disent que cet attentat était évitable » sont des « polémiques inutiles ». Depuis le 14 juillet, nous voyons « dans l'escalade des propositions, monter la tentation de remettre en cause l'État de droit ». « Remettre en cause l'État de droit, remettre en cause nos valeurs serait le plus grand renoncement.

Comment se fait-il qu’un camion ait pu pénétrer la zone pourtant piétonnisée de la promenade des Anglais et perpétrer son attentat ?

L’enquête devra le déterminer avec précision, mais des patrouilles de police barraient l’accès aux véhicules à la promenade des Anglais, et c’est en contournant le dispositif par le trottoir, de façon très violente, que le camion a réussi à entrer. Par ailleurs, une zone piétonnisée n’est pas un bunker. La piétonisation s’organise par un barriérage, des panneaux de déviation routière en amont, et non par des murailles. Il est toujours nécessaire en effet de permettre l’accès aux véhicules de secours d’urgence ou de lutte contre les incendies. La police était, par ailleurs, très mobilisée, comme en témoigne l’intervention courageuse qu’ils ont réalisée.

Combien de policiers nationaux étaient mobilisés à la sécurisation du feu d’artifice et des festivités du 14 juillet à Nice ? Le dispositif était-il suffisant ?

Au total 185 policiers nationaux étaient mobilisés le 14 juillet au soir à Nice, dont 64 sur la promenade des Anglais dans le cadre des festivités du 14 juillet, appuyés par 20 militaires de l’opération sentinelle. Par ailleurs, 42 policiers municipaux étaient postés en périphérie de l'événement, en charge notamment de la circulation. C'est donc un dispositif conséquent pour l'encadrement d’un rassemblement de ce genre, familial et festif par nature. Plusieurs réunions préparatoires entre la DDSP et le cabinet du maire avaient eu lieu en amont de l’événement, puis entre la municipalité et la préfecture. Le dispositif avait été validé par tous et notifié à l’ensemble des services locaux, municipaux et d’Etat.

Des élus des Alpes-Maritimes se plaignent de renforts policiers demandés et jamais arrivés…

Bernard Cazeneuve a annoncé publiquement en février dernier - et tous les élus des Alpes-Maritimes étaient présents - que d’ici le mois de septembre, 167 policiers et adjoints de sécurité et 40 gendarmes seront arrivés pour renforcer les différents services de police et de gendarmerie dans l’ensemble du département des Alpes-Maritimes. C’est un effort considérable. Parmi eux 150 sont déjà arrivés (66 policiers, 65 adjoints de sécurité et 19 gendarmes), et les autres suivront comme prévu. Tous les efforts sont faits en ce sens, grâce aux recrutements massifs en cours : 4600 élèves sortiront des écoles de police en 2016, comme en 2017. Ils n’étaient que 488 en 2012.

Un militaire avec un lance-roquette aurait-il pu stopper le camion ?

Chacun peut comprendre qu'il est extrêmement difficile de stopper un camion de ce gabarit lancé à grande vitesse dans une foule, sans savoir d’ailleurs, à ce moment-là, si le véhicule n’est pas piégé ou chargé d’explosifs. Imaginer une telle réponse opérationnelle n’a aucun sens et chacun doit mesurer la portée de ses propos dans ces circonstances graves pour le pays.

A-t-on relâché la vigilance après l’Euro de football qui s’était déroulé sans attentat ?

A l’occasion des cérémonies du 14 juillet, 36 000 gendarmes et 53 100 policiers soit près de 90 000 forces de sécurité intérieure étaient mobilisés sur l’ensemble du territoire pour sécuriser cet événement, auxquelles s’ajoutaient les renforts « Sentinelle ». C’est absolument inédit. Les Français doivent savoir que nous ne relâchons pas un instant la vigilance, au contraire, le gouvernement n’a cessé de dire, y compris après la fin de l'Euro, que la menace restait extrêmement élevée, et d'engager les forces de l'ordre au niveau maximal.

L’intervention des forces de l’ordre, les alertes des autorités, l’organisation des secours ont-elles correctement fonctionné ?

Il faut saluer les policiers de la sécurité publique qui ont réussi à neutraliser le terroriste, comme les 200 gendarmes dépêchés sur place en renfort dans la nuit, sous l’autorité du préfet et du directeur départemental de la sécurité publique. Il faut remercier également la préfecture des Alpes-Maritimes, aussitôt relayée par l'ensemble des autorités publiques et des médias, qui a très rapidement alerté les habitants de l'attentat et donné les premières consignes de sécurité. Les sapeurs-pompiers et les équipes médicales sont intervenus très rapidement. Le plan ORSEC « nombreuses victimes » et le plan Blanc ont été activés pour assurer la montée en puissance du dispositif, qui a mobilisé au plus fort de l’événement 570 pompiers et 4 hélicoptères médicalisés et de nombreux personnels de santé. Les secours ont mis en place des postes médicaux avancés sur site qui ont permis de prendre en charge les victimes et de les orienter vers les hôpitaux dans les meilleures conditions.

Comme lors de chacun des drames que notre pays a eu à traverser, un retour d’expérience complet sera effectué. Mais les nombreux exercices organisés ces derniers mois ont sans conteste permis d’améliorer encore la coordination des secours.

Pourquoi ne procède-t-on pas à la mise en rétention administrative des individus suspectés de terrorisme, notamment les fichés S ?

La question de la « rétention administrative » a été examinée avec la plus grande attention par le gouvernement. La politique de ce gouvernement a été d’aller le plus loin possible dans les mesures de police administrative, tout en renforçant l’autorité judiciaire dotée de moyens nouveaux (cf. loi Urvoas du 3 juin 2016), pour permettre les poursuites judiciaires, soit au titre de l’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, soit au titre de l’entreprise individuelle à caractère terroriste, que nous avons créée par la loi du 13 novembre 2014.

Dès lors, soit un individu isolé conçoit un projet de passage à l’acte dans un registre collectif ou individuel, et il ne relève pas d’une rétention administrative mais de la prison au titre des infractions pénales indiquées ci-dessus – et c’est indispensable ! – soit il n’existe pas d’éléments de preuve justifiant d’un risque terroriste (et la fiche S constitue un élément de mise en attention, un outil de renseignement mais pas un élément de preuve) et par conséquent la mesure de restriction de liberté au titre de l’article 66 de la Constitution ne peut être mise en œuvre.

44 personnes ont été interpellées pour infractions terroristes, depuis le 1er mai, c’est dire l’activité qui a été celle des services de police et de renseignement ces dernières semaines compte tenu de l’intensité de la menace.

Du reste, le Conseil d’Etat, dans l’avis qu’il a rendu sur cette question le 17 décembre 2015, à la demande du gouvernement, s’est exprimé sans appel : « en dehors de toute procédure pénale, la détention de personnes présentant des risques de radicalisation est exclu sur le plan constitutionnel et conventionnel ».

Notre Constitution garantit les libertés publiques : l’arbitraire n’est pas constitutionnel. Surtout, il n’est ni acceptable, ni efficace.

Par ailleurs, l'individu neutralisé était inconnu des différents fichiers traitant du terrorisme et n'était pas fiché S.

Maintenir Sentinelle sert-il vraiment à quelque chose ?

Certains ont proposé de mettre un terme à Sentinelle, c’est un dispositif préventif et dissuasif qui rassure les Français et qui permet par ailleurs de compléter l’action des forces de sécurité intérieure mobilisées par la lutte antiterroriste, la crise migratoire, les grands événements, mais aussi les manifestations de voie publique. N’oublions pas non plus le cœur de métier des policiers et gendarme, la lutte contre la délinquance et la criminalité, et qui les mobilisent au quotidien. Les 10 000 militaires de l'opération Sentinelle actuellement déployés sur l'ensemble du territoire national jouent un rôle essentiel pour la sécurité de nos concitoyens, notamment dans les gares, sites touristiques, aux abords des lieux de culte, en complémentarité avec les policiers et les gendarmes. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a décidé de prolonger leur engagement. Ils permettent aussi de redéployer les forces de sécurité intérieure pour l’accomplissement de missions qu’elles seules peuvent conduire, comme le maintien de l’ordre ou les actions de police judiciaire. Leur apport est considérable de ce point de vue et c’est une contre-vérité absolue d’affirmer que leur utilité est limitée. Elle est au contraire essentielle.

Qu’apportera la réserve opérationnelle ?

Comme l'a indiqué le Président de la République après l’attentat de Nice, la réserve opérationnelle de la police et de la gendarmerie nationale sera très utile pour agir en complémentarité des forces de sécurité intérieure déjà engagées, notamment pour renforcer encore les contrôles de flux. Elle permet à des citoyens d’effectuer des périodes actives au sein de ces forces. Cet apport est essentiel et la gendarmerie, par exemple, qui mène à cet égard une politique dynamique depuis des années, utilisant très régulièrement ce vivier dans les opérations de lutte contre les cambriolages, le contrôle des flux ou la sécurité routière. C’est une ressource extraordinaire, dans tous les sens du terme, et une démarche civique de premier ordre. Il faut d’ailleurs l’encourager. Le ministère de l’intérieur est aussi celui de l’engagement.

La France est-elle vraiment armée contre la menace terroriste et l’union nationale a-t-elle encore un sens ?

Depuis 2012, nous avons adopté trois lois antiterroristes et deux lois sur le renseignement, nous avons considérablement renforcé les moyens humains, matériels, juridiques et technologiques de nos services antiterroristes, nous avons adopté un schéma d'intervention des forces rapides et renforcé l'équipement des primo-intervenants, policiers des BAC et gendarmes des PSIG. Depuis le rétablissement des contrôles aux frontières le 13 novembre dernier, en huit mois nos services de police ont contrôlé 48 millions de personnes à l’ensemble de nos frontières terrestres, aériennes et maritimes. 28 000 individus ont été empêchés d’entrer sur notre territoire. Ces contrôles se poursuivront aussi longtemps que la menace le nécessitera.

Grâce au travail de nos services de renseignement, 16 attentats ont été déjoués sur notre sol depuis 2013 et 160 individus ont été arrêtés depuis le début de l'année. Nous avons en permanence adapté notre arsenal juridique et nos postures opérationnelles à la menace.

Et oui, comme l’a rappelé le Premier ministre, la seule réponse digne, responsable, de la France, c’est celle d’une France unie et rassemblée autour de ses valeurs.

Le « risque zéro » n’existe pas, malgré toutes les précautions prises, pas plus en France, qu’en Belgique ou aux Etats-Unis, en Chine, en Russie ou en Israël, pour prendre des modèles très différents.

Oui, il faut poursuivre nos efforts, notre détermination, qui ne sont pleinement efficaces que dans la cohésion. Les divisions, les polémiques au contraire nous affaiblissent et c’est précisément ce que recherchent nos ennemis. Céder serait prendre le risque de leur donner une victoire. Nos ennemis attaquent la France en raison, non pas de ce qu’elle fait, mais bien de ce qu’elle est. C’est le combat d’une époque, c’est le combat d’une génération que nous devons mener. Le combat de la démocratie et de la République.

Exploite-t-on vraiment pleinement l’état d’urgence ?

Depuis le 13 novembre, nous avons eu recours à une multitude d’outils que nous avons d’ailleurs consolidés dans la loi. C’est particulièrement vrai dans les Alpes-Maritimes, où il y a eu des arrêtés d’interdiction de paraître en lien avec l’islamisme radical, des fermetures de commerce de prêcheurs de haine, des arrêtés de remise d’armes, des arrêtés d’assignation à résidence (7). 168 perquisitions administratives ont eu lieu dans les Alpes-Maritimes, et 5 lieux de culte, où était prodiguée une version détournée et violente de l’Islam, ont été fermés, ce qui n’a été fait dans aucun autre département : c’est dire l’attention particulière que nous portons ce département.

Nous allons évidemment poursuivre, dans les Alpes-Maritimes comme sur l’ensemble du territoire.

Quant aux perquisitions administratives, leur utilité a été considérablement réduite par la jurisprudence du Conseil Constitutionnel concernant les saisies de données numériques. La réforme constitutionnelle aurait permis de résoudre cette question, elle n’a hélas, pas pu aboutir. Mais la future loi prorogeant l’état d’urgence nous permettra de remédier à cette limite, par des garanties supplémentaires offertes par le contrôle du juge administratif.

« Il est temps de commencer à combattre le fondamentalisme islamiste » disent certains …

Nous combattons le fondamentalisme islamiste avec une totale détermination, et nous le faisons malgré le Front National, qui s’est opposé à toutes les mesures antiterroristes prises en France (la fermeture des sites Internet assurant la propagande djihadiste par exemple) et en Europe (notamment le PNR et le corps de gardes-frontières européen) ces dernières années. Depuis 2012, 80 arrêtés d’expulsion ont été pris en matière d’islamisme radical, de prêcheurs de haine ou de pseudo-imams autoproclamés. Nous avons fermé 10 mosquées ou salles de prières radicalisées. Nous avons mis en place des outils de prévention de la radicalisation violente, nous avons déchu de leur nationalité française plusieurs binationaux condamnés pour des faits en lien avec le terrorisme ou son apologie et nous combattons le fléau de la radicalisation avec le concours des responsables de l’Islam de France.

Pourquoi l’alerte par l’application SAIP n’a pas fonctionné ?

L’application SAIP a fonctionné, mais trop tard (réception alerte à 1h34) par rapport au constat des événements. C’est une défaillance technique d’un serveur du prestataire de service qui n’a pas permis de diffuser instantanément l’alerte.

La défaillance a été précisément identifiée et les correctifs techniques apportés.

Il faut par ailleurs rappeler, comme nous l’avons indiqué dès sa sortie, que SAIP n’a pas vocation à remplacer tout le reste des moyens de communication, mais à ajouter une pierre à l’édifice, en complément de ce qui est déjà transmis comme info par les comptes sur réseaux sociaux de l’Etat, par les porte-parole de l’Etat (via TV et médias), par les opérateurs du web via leurs dispositifs ad hoc type « safety check » de Facebook.

Que s’est-il passé hier à Nice ? Dès que la menace a été identifiée et une posture de sécurité arrêtée, tous les canaux de l’Etat se sont activés : les comptes réseaux sociaux des autorités (locales, Min Int, police, gendarmerie, gouvernement ; le SIG et le ministère de l’Intérieur se sont immédiatement mis en relation avec Twitter, Google, Facebook, pour déclencher le « safety check » de Facebook (« je suis en sécurité » reprenant message des autorités ; un appel de Twitter à suivre le compte du ministère de l’Intérieur ; le dispositif « Google Now » permettant de reprendre sur les appareils Google/Android les messages des autorités ; la préfecture des Alpes Maritimes a bien immédiatement déclenché SAIP, mais la défaillance du prestataire a empêché l’envoi du message instantanément.

Le dispositif global a donc fonctionné et même mieux que le 13 novembre : très haut niveau de coordination avec les opérateurs des réseaux sociaux - la dernière fois, ils s’étaient auto saisis, là, nous avons calé avec eux leur message.